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LA SOCIÉTÉ MOURANTE

claquement du drapeau au vent, le fracas des armes, toute l’apothéose enfin dont on l’entoure quand on la montre au peuple, littérateurs et poètes ont contribué dans leurs œuvres à élargir cette apothéose, à apporter leur part de mensonges à la glorification du monstre.

Mais du jour où ils ont été mis à même d’étudier de près l’institution, quand il leur a fallu se courber sous la discipline abrutissante, quand il leur a fallu supporter les rebuffades et les grossièretés des galonnés, à partir de ce moment le respect s’en est allé ; ils ont commencé à arracher le masque de l’infâme, ils ont soufflé sur les vertus dont leurs devanciers s’étaient plus à le parer, et le soldat — y compris l’officier — a commencé à faire son entrée dans le public sous ses véritables traits, c’est-à-dire ceux d’une brute alcoolique, d’une machine inconsciente.

Ah ! il faut y avoir séjourné dans cet enfer pour comprendre tout ce que peut y souffrir un homme de cœur, il faut avoir endossé l’uniforme pour savoir tout ce qu’il recouvre de bassesse et d’idiotie.


Un fois immatriculé, vous n’êtes plus un homme, mais un automate tenu d’obéir, au doigt et à l’œil, à celui qui commande. Vous avez un fusil dans les mains, mais vous devez subir, sans broncher, les grossièretés du galonné qui décharge sur vous sa mauvaise humeur ou les fumées de l’alcool qu’il a