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ET L’ANARCHIE

absorbé. Pas un geste, pas une parole, vous pourriez les payer de votre vie entière ou de plusieurs années de votre liberté. On aura, du reste, soin de vous lire tous les samedis le Code pénal, dont le refrain : mort ! mort ! vous hantera le cerveau à chaque fois que les instincts de rébellion se heurteront sous votre crâne.

Mais ce qui vous exaspère le plus, ce sont les mille et une minuties du métier, les tatillonnements, les tracasseries du règlement. Et pour le gradé qui vous en veut, ou qui, sans vous en vouloir, n’est seulement qu’une brute inconsciente, c’est cinquante fois par jour que naîtront les occasions de vous mettre en défaut, de vous faire subir les vexations de toute sorte que sa bêtise trouvera plaisir à vous infliger : À l’appel, pour une courroie mal astiquée, un bouton plus terne que les autres, des bretelles que vous aurez oublié de mettre, ce sont des engueulades, de la salle de police et des inspections à repasser à n’en plus finir ; vous êtes inspecté sur toutes les coutures, jusqu’à vous faire ouvrir vos vêtements pour inspecter votre linge de dessous.

À la chambrée, c’est autre chose ; un lit mal d’aplomb, engueulade ; « les lits carrés comme des billards », est une expression horripilante qui vous est cornée à chaque instant aux oreilles et que connaissent bien ceux qui ont traversé la caserne ; des effets mal placés sur la planche, engueulade tou-