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ET L’ANARCHIE

soyez plus que des machines à tuer, que des brutes passives ; car, si vous aviez maladroitement conservé au fond du cœur, sous la livrée dont on vous revêtira, le moindre grain de fierté, cela pourrait vous être fatal.


S’il plaît à un soudard ivre de vous insulter, et qu’il ait des galons sur les bras, cachez bien les crispations qui, malgré vous, tordront vos muscles sous l’insulte ; la main que vous aurez levée pour la faire retomber à plat sur la face de l’insulteur, portez-la militairement à la hauteur de votre visière pour saluer. Si vous ouvrez la bouche pour répondre à l’insulte ou à la menace, ne la refermez que pour dire : « Brigadier, vous avez raison. » Et encore, non ; le geste, la parole, le moindre signe d’émotion pourraient être interprétés comme une ironie et vous attirer une punition pour manque de respect à vos supérieurs. Quelle que soit l’insulte, quel que soit l’outrage, il faut vous raidir contre la colère qui vous porte à réagir ; il faut rester insensible, calme, inerte ! La main dans le rang, les talons rapprochés ! Allons, c’est bien. Vous restez impassible sous l’injure ? Vous ne bronchez pas ? — Non. — À la bonne heure, au moins ; vous voilà de bons soldats. Voilà ce que la Patrie réclame de ses défenseurs.


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