Page:Grave - La Société mourante et l’anarchie.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
207
ET L’ANARCHIE

son profit et substituer le règne de la solidarité à celui de la concurrence. Mais peut-on sérieusement espérer voir un jour les capitalistes et les exploiteurs arriver à cet idéal de désintéressement, alors qu’aujourd’hui ils n’ont pas assez d’armée, de police et de magistrature pour réprimer les réclamations les plus anodines ?

Faire de la théorie est beau, spéculer sur un avenir meilleur est admirable, mais, si reconnaître les ignominies de la société actuelle, se bornait à une philosophie de salon, que l’on discute après souper, entre gens bien repus, si tout se bornait à de vaines récriminations contre l’ordre de choses actuel, à de stériles aspirations vers l’avenir meilleur, cela ressemblerait beaucoup au philanthrope qui, le ventre bien plein, la sacoche bien garnie, vient dire au misérable qui crève de faim : « Mon ami, je vous plains de tout mon cœur, votre sort m’intéresse au plus haut point, je fais toutes sortes de vœux pour qu’il s’améliore, en attendant, soyez sobre, et faites des économies » ; et passe outre, se croyant quitte avec cela. Oh ! mais alors, la bourgeoisie aurait grand’chance d’avoir encore de longs jours d’exploitation devant elle, les travailleurs seraient loin de voir finir leur misère et leurs souffrances.

Heureusement, nous l’avons vu, qu’il n’y a qu’un pas des aspirations au besoin de les réaliser ; et ce pas, bien des tempéraments sont enclins à le franchir ; d’autant plus que la théorie anarchiste étant