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LA SOCIÉTÉ MOURANTE

du gendarme », dira-t-on. Cette peur est réelle, mais elle ne suffit pas, à elle seule, à expliquer l’apathie des meurt-de-faim. Que d’occasions se présentent dans la vie courante où l’on pourrait faire le mal sans aucun risque et où l’on n’agit pas pour des raisons autres que la « peur du gendarme ». Et, au surplus, les meurt-de-faim, s’ils voulaient se réunir tous, sont assez nombreux à Paris, par exemple, pour ne pas avoir peur du gendarme, tenir, toute une journée, la police en échec, vider les magasins, faire ripaille une bonne fois pour toutes. Eux qui vont en prison pour vagabondage et mendicité, est-ce bien la peur de la prison qui leur fait mendier ce qu’il ne leur coûterait pas plus de prendre. C’est qu’en dehors de la couardise, il y a l’instinct de la sociabilité qui empêche les individus de faire le mal pour le mal, et leur fait accepter les plus lourdes entraves dans l’idée qu’elles sont nécessaires au bon fonctionnement de la société.

Croit-on que la force seule aurait suffi pour assurer le respect de la Propriété, si, dans l’esprit des individus, il ne s’y était mêlé un caractère de légitimité qui la faisait accepter comme le résultat du travail individuel ? Est-ce que les peines les plus fortes ont jamais empêché ceux qui — sans s’inquiéter si elle est légitime ou non — veulent vivre aux dépens des autres, d’y porter atteinte ? — Que serait-ce donc si les individus raisonnant leur mi-