154 PETITS POEMES
« Mais je veux te montrer, sans scrupule frivole,
Ce qui s’agite encore au fond de mon esprit :
Un doute me travaille et combat ta parole.
« Cet avenir meilleur dont ta voix me prescrit
De saluer l’aurore et la chère espérance,
J’y veux croire avec toi ; c’est Dieu qui te l’apprit.
« Mais, après ce réveil, qui me dit que la France
Ne retombera pas dans ce sommeil de fer
Qui scelle le tombeau de Rome et de Florence ? »
A ces mots, un sourire à la fois doux et fier
Illumina les traits de la sombre figure.
Comme un rayon furtif qui dore un ciel d’hiver.
« Dans tes climats du Nord, dit l’Ombre, où le froid dure,
N’es-tu jamais allé t’égarer ou t’asseoir
Sous les rameaux des bois dépouillés de verdure ?
« Tout présente l’aspect d’un morne désespoir :
Sous son manteau de neige au loin la terre est blanche ;
L’arbre étend ses grands bras comme un squelette noir.
« C’est la mort ! et pourtant tu sais que chaque branche
Se couvrira de fleurs et de fruits éclatants.
Lorsque le gai printemps reprendra sa revanche.