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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/300

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— Bourgeoise, dit Boulois, j’amène mon camarade de communion ; c’est un peu grâce à lui que je me suis marié avec toi, tu le sais : il faut lui en savoir gré… Nous avons faim ; donne-nous à manger et à boire.

C’était une grosse femme courte qu’un asthme gênait ; elle eut un sourire bonasse :

— C’est que je n’ai pas grand’chose ; vous venez trop tard ; il y a deux heures que nous avons mangé.

Elle apporta un reste de soupe grasse qu’on avait tenue chaude ; elle fit des œufs sur le plat et tira du buffet un fromage de chèvre intact. Boulois me versait à boire à toute minute et sa main tremblait d’émotion heureuse.

— Mais bois donc… Prends donc à manger… T’en souviens-tu du temps où nous allions au catéchisme ?

Nous restâmes à table longtemps : il fallut goûter des liqueurs de trois sortes. Les évocations du passé nous revenaient mieux et nous en arrivâmes à causer ferme. Pour lui faire plaisir, je dus ensuite aller voir le jardin, puis les bêtes, si bien que je ne partis qu’à la nuit. Il était plus de huit heures quand je rentrai chez nous et Victoire s’inquiétait de ma longue absence ; elle me fit une scène, mais il ne lui fut pas possible de me faire fâcher. J’étais satisfait de ma journée, content de cette réconciliation : et puis, d’avoir bu un petit coup, cela contribuait aussi à me donner des idées roses, si bien que je me sentais léger comme un jeune homme et tout porté à la joie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les malheurs, hélas ! suivent de près les bons jours. Dans le courant de la semaine nous arriva une lettre de Paris, annonçant la mort de ma sœur Catherine. Elle était restée en fonctions jusqu’à la fin : avant la vieille maîtresse dont elle escomptait une part de succession, la mort l’avait frappée…