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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/312

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faites-vous représenter par l’un des vôtres : votez tous pour le candidat socialiste, le citoyen Renaud ! Puis, après le vote, continuez d’agir. Pour faire valoir vos droits, groupez-vous, associez-vous : c’est le moyen, étant faibles, de devenir forts. Et l’aube nouvelle finira par luire ; un jour viendra où vous cesserez de travailler pour les capitalistes exploiteurs qui font à vos dépens des orgies infâmes : cultivateurs, vous aurez vos champs, comme les mineurs auront leurs mines et les industriels leurs usines. Alors il n’y aura plus de propriétaires oisifs, ni d’intermédiaires parasites, plus de maîtres ni de serfs ; il n’y aura que la grande collectivité humaine mettant en rapport les richesses de la nature. À vous, camarades, de hâter la venue des temps nouveaux…

— C’est un partageux ! dit à mi-voix un homme à côté de moi.

Un autre reprit :

― C’est un nommé Laronde ; je connais son père qui est le cousin de mon beau-frère ; il est laboureux à Couleuvre, son père ; mais lui l’a laissé, étant trop feignant sans doute pour travailler la terre.

— En tout cas, il a une bonne lame, dit un troisième.

Laronde avait cessé de parler ; il épongeait son visage couvert de sueur. Des jeunes gens l’applaudissaient en criant : « Vive la sociale ! À bas les bourgeois ! » Au milieu de la salle, debout et gesticulant, l’ivrogne déblatérait toujours contre les francs-maçons. Quelques métayers peureux filèrent, craignant de se compromettre dans cette assemblée révolutionnaire. Daumier me dit :

— On ne devrait pas tolérer de laisser parler des hommes comme ça. Ça ne fait que mettre la zizanie dans le monde en faisant croire des choses qui ne peuvent pas arriver.