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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/313

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— Qu’en savez-vous, si ça n’arrivera pas, répondis-je. Pensez donc à tous les changements que nous avons vus dans le cours de notre vie, à tout le bien-être qu’il y a en plus maintenant.

— On n’en est ni plus heureux, ni plus riche ; on a cela, on voudrait autre chose ; et le bien-être ne fait pas devenir vieux.

— Devenir vieux, ce n’est pas tout ; il faut bien songer un peu aux satisfactions dont on peut jouir pendant que la vie dure : et elles sont plus nombreuses qu’autrefois, ces satisfactions, vous en direz ce que vous voudrez.

Laronde traversa la salle, saluant à droite et à gauche en souriant. Il sortit et réenfourcha sa bécane, dévisagé par de nombreuses femmes, qui étaient venues aux abords de l’auberge pour le voir. Il s’en allait à Ygrande où il devait parler dans la soirée.

Après qu’il fut parti, tout le monde se reprit à discuter sur ce qu’il avait dit, les uns l’approuvant, les autres le blâmant.

Un maître carrier, beau parleur, ayant entendu mes réponses à Daumier, s’approcha :

— Bien sûr, dit-il, on continuera d’aller de l’avant parce qu’on fera des découvertes nouvelles qui changeront indéfiniment et simplifieront le mode de travail. Mais la science seule est capable de nous maintenir dans cette voie de l’amélioration que tout le monde souhaite. La politique est impuissante et nulle. Jamais les députés ne feront vraiment des lois pour le peuple. Les gros bourgeois qu’on dédaigne un peu dans les élections n’en conservent pas moins toute leur influence, croyez-le bien. Et tant qu’à Renaud, à Laronde et à leurs pareils, ce sont des ambitieux qui voudraient prendre la place des autres pour faire les bourgeois à leur tour. « Ôte-toi de là que je m’y mette » : c’est toujours la