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je fis une provision pour la litière, et d’acheter des fourrages du Midi qu’un négociant faisait venir à Saint-Aubin par wagons ; je compris, cette année-là, que le chemin de fer pouvait rendre des services, même aux paysans.


LVII


Au cours de ces grandes chaleurs de 1893 mourut mon pauvre martyr de frère. À la suite de l’attouchement de quelque mouche sale, la plaie de sa face s’était tuméfiée, était devenue bleuâtre, et ce furent les convulsions horribles du tétanos qui le conduisirent enfin à cet anéantissement de la mort qu’il avait tant souhaité.

À la fin de cette même année, ma vieille servante me quitta pour aller au service d’un curé. La Marinette, disait-elle, lui en faisait trop voir. J’en louai une autre, une grande à la voix masculine, méchante et sans raison, qui m’assommait de la répétition constante des mêmes clichés, se fâchait à tout propos et bousculait ma sœur quand elle faisait des frasques. Plus tard, je découvris qu’elle prélevait la dîme sur la vente de mes denrées au marché de Saint-Hilaire, et qu’elle buvait à mes dépens des tasses de café et de vin sucré. Je la gardai quand même, préférant tout supporter que de changer encore et sachant que je n’arriverais jamais à trouver la ménagère idéale.

Nous fûmes pris d’influenza, la Marinette et moi, au cours de l’hiver tardif et rude de 1895, et Madeleine, la femme de Charles, fut obligée de venir de Puy-Brot