Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/134

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que pauvre à sa table. Un jour qu’il avait parcouru toute la ville jusqu’au soir sans pouvoir trouver un nécessiteux avec qui prendre son repas, il sortit de la porte de la ville au moment où la nuit commençait à tomber, et il trouva un homme vêtu de blanc qui se tenait debout accompagné de deux autres. En les voyant, comme Loth dont il est parlé dans les anciennes histoires [Genèse., chap. 19, v. 2.], saisi de frayeur, il dit : « Peut-être, seigneurs, êtes-vous étrangers ? daignez entrer dans la maison de votre serviteur, et, après y avoir pris votre repas, y reposer dans un lit ; demain matin vous reprendrez votre route comme il vous plaira. » Celui qui était le plus considérable des trois, tenant un mouchoir dans sa main, dit : « Ne pourrais-tu, ô homme de Dieu, avec votre Simonxxxvi, sauver cette ville de sa destruction ? » Et, levant la main, il secoua le mouchoir qu’il tenait sur la moitié de la ville, et aussitôt tombèrent tous les édifices et toutes sortes de constructions. Les vieillards furent écrasés avec les enfants, les maris avec leurs femmes, et les gens de tout sexe périrent. Voyant cela, comme privé de sens, tant de la présence de cet homme que du bruit de ce renversement, il tomba à terre et demeura semblable à un mort. L’homme élevait de nouveau la main qui tenait le mouchoir comme pour le secouer sur l’autre moitié de la ville, lorsque ses deux compagnons le retinrent et le conjurèrent, au nom des choses les plus redoutables, de permettre que cette moitié de ville ne fût pas renversée. Sa colère s’étant donc apaisée, sa main demeura suspendue, et, relevant l’homme qui était tombé à terre, il lui dit : « Vas à ta maison et ne crains rien ; tes fils et ta femme