Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/136

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demeura fou pendant deux ans. D’où il y a lieu de croire qu’elles avaient été envoyées par la méchanceté du diable. Après cela, passant à travers les villes voisines, il alla dans la province d’Arles ; là, s’étant vêtu de peaux, il priait comme un religieux, et, trompé par l’ennemi des hommes, il s’attribua le pouvoir de deviner l’avenir. Puis, passant à de plus grands crimes, il changea de lieu, et quittant la province dont j’ai parlé, entra dans le pays du Gévaudan, se déclarant puissant et ne craignant pas de se donner pour le Christ. Il avait pris avec lui, comme sa sœur, une certaine femme qu’il faisait appeler Marie. Le peuple accourait en foule autour de lui, lui amenant des malades auxquels, en les touchant, il rendait la santé. Tous ceux qui venaient à lui, lui apportaient de l’or, de l’argent et des vêtemens ; et lui, pour les mieux séduire, distribuait tout cela aux pauvres, se prosternant sur la terre et se répandant en oraisons, ainsi que la femme dont j’ai parlé. Puis, se relevant, il ordonnait de nouveau aux assistants de l’adorer. Il prédisait l’avenir, et annonçait à quelques-uns des maladies, à d’autres des malheurs prêts à leur arriver, et bien peu leur salut à venir ; il faisait toutes ces choses par des artifices diaboliques, et je ne sais quels prestiges. Il séduisit une immense multitude de peuple, et même des prêtres de l’Église. Il était suivi de plus de trois mille personnes. Cependant il commença à dépouiller et à piller ceux qu’il trouvait sur sa route ; mais il distribuait leurs dépouilles à ceux qui n’avaient rien. Il menaçait de la mort les évêques et les citoyens des villes, parce qu’ils refusaient de croire en lui ; étant entré dans le territoire