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CHRONIQUE

à des hommes séculiers et étrangers à la religion ; mais qu’il avait des endroits préparés et destinés à recevoir tous les hôtes. Le roi lui dit : « Si tu désires t’acquérir les dons de notre largesse et le secours de notre protection, tu permettras à tout le monde l’entrée de tous les lieux du monastère. » L’homme de Dieu répondit : « Si tu veux violer ce qui a été jusqu’à présent soumis à la rigueur de nos règles, sache que je me refuserai à tes dons et à tous tes secours ; et si tu es venu ici pour détruire les retraites des serviteurs de Dieu et renverser les règles de la discipline, sache que ton empire s’écroulera de fond en comble, et que tu périras avec toute la race royale ; » ce que l’événement prouva dans la suite. Déjà d’un pas téméraire le roi avait pénétré dans le réfectoire ; épouvanté de ces paroles, il retourna promptement dehors. Il fut ensuite assailli des vifs reproches de l’homme de Dieu, à qui Théodoric dit : « Tu espères que je te donnerai la couronne du martyre ; sache que je ne suis pas assez fou pour faire un si grand crime ; mais reviens à des conseils plus prudens qui te vaudront beaucoup d’avantages, et que celui qui a renoncé aux mœurs de tous les hommes séculiers rentre dans la voie qu’il a quittée. » Les courtisans s’écrièrent tous d’une même voix qu’ils ne voulaient pas souffrir dans ces lieux un homme qui ne faisait pas société avec tous. Mais Colomban dit qu’il ne sortirait pas de l’enceinte du monastère, à moins d’en être arraché par force. Le roi s’éloigna donc laissant un certain seigneur, nommé Baudulf, qui chassa aussitôt le saint de Dieu du monastère et le conduisit en exil à la ville de Besançon