Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/223

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antoine
soupire.

Mais moi, je n’ai pas d’enfant.

la logique.

Cela pourtant n’est pas défendu par le Seigneur.

l’envie.

Les oiseaux ont une famille, sur la surface des mers les dauphins nagent ensemble ; as-tu vu dans les forêts les louves vagabondes galoper avec leurs petits à la gueule ?

antoine.

Mais moi, je suis plus seul que les louves dans les bois et que les monstres dans l’Océan.

Moi je n’entends pas même le chant de l’alouette ni le bêlement des moutons quand ils partent pour le pâturage.

l’envie.

Il ouvre les yeux, l’enfant qui dormait ; la mère s’approche, il rit, elle sourit, elle le porte à son sein, qu’il presse de ses deux mains dont les marques restent blanches ; le père est là qui regarde.

antoine.

Moi, je ne suis pas père.

l’envie.

Si tu l’avais été ?

la logique.

Est-ce défendu par Dieu ? Dieu n’a-t-il pas dit à ses créatures de croître comme l’herbe, de multiplier comme les épis ?

l’envie.

Qui t’empêchait de l’être comme les autres ?

antoine.

Il ne l’a pas voulu !