Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/238

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la logique.

Plus ils méditent, moins ils espèrent ; plus ils s’avancent, plus ils se perdent ; leur esprit voltige à tous les vents, se trempe à toutes les nuées et tourbillonne dans sa folie comme une paille sèche dans la tempête.


antoine.

Que faire ?

la logique.

La sainteté est dans la joie, le bonheur est dans la paix ; cherche la joie, cherche la paix. L’homme qui porte un fardeau ne peut lever la tête pour voir le soleil ; dépose ton fardeau, et les rayons de la grâce tomberont sur ta figure.

antoine.

La grâce ? N’est-ce point la pénitence qui l’attire ?

la logique.

Tu fais pénitence pourtant et elle n’est pas encore venue… elle viendra.

antoine.

Comment ?

la logique.

On met sur l’autel des chandeliers avec des fleurs épanouies, on brûle l’encens dans des cassolettes et on entoure les os des martyrs avec des cercles de pierres précieuses ; mais toi, tu te reprocherais de respirer une rose ou de contempler la lune quand elle brille dans son plein.

antoine.

Est-ce que la terre mérite nos regards ?

la logique.

Créature, tu maudis la création. La connais-tu ? Sais-tu ce qu’elle contient ? l’esprit de Dieu, qui gravite au sein des mondes et rayonne dans les étoiles, palpite dans ton cœur.

antoine.

La pénitence alors serait inutile ?