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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

reconnaissons l’objet. De plus, les pages étant plus ou moins vaguement numérotées selon leur éloignement et leurs rapports mutuels, nous changeons les scènes locales en scènes temporelles et leur assignons une date, si nous pouvons. L’espace, ici, est toujours le premier initiateur.

MM. Taine et Ribot ont très bien montré comment nous finissons par localiser d’une manière précise les images dans le temps. Théoriquement, disent-ils, nous n’avons qu’une manière de procéder : déterminer les positions dans le temps comme on détermine les positions dans l’espace, c’est-à-dire par rapport à un point fixe, qui, pour le temps, est notre état présent. MM. Taine et Ribot insistent avec raison sur ce que le présent, — nous l’avons dit nous-même tout à l’heure, — est un état réel, qui a déjà sa quantité de durée. Si bref qu’il soit, le présent n’est pas un éclair, un rien, une abstraction analogue au point mathématique : il a un commencement et une fin, de plus, son commencement ne nous apparaît pas comme un commencement absolu : il touche à quelque chose, avec quoi il forme continuité. C’est ce que M. Taine appelle les « deux bouts d’une image ». Quand nous lisons ou enten-