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LE TEMPS ET LA MÉMOIRE

a dû tendre à se projeter dans un milieu différent de l’espace même, plus ou moins analogue au milieu intérieur de l’appétit vital, qui n’est autre que le temps. L’ouïe, dégagée progressivement des formes spatiales, en est devenue une sorte de numérateur rythmique ; elle est, par excellence, le sens appréciateur du temps, de la succession, du rythme et de la mesure.

Un autre moyen de séparer le temps de l’espace, c’est l’imagination. Nous ne faisons pas des mouvements avec nos jambes seules, nous en faisons avec nos représentations, en passant de l’une à l’autre par la pensée, et nous ne tardons pas à distinguer ces espèces de promenades intérieures de la locomotion extérieure. Étant donné un état de conscience actuelle, nous enfilons une série d’autres états de conscience représentés et qui aboutit toujours à l’état actuel comme à son terme. Nous allons ainsi en arrière pour revenir au point de départ. Cette sorte d’espace idéal s’oppose à l’espace réel, et nous permet de concevoir un milieu où les choses se succèdent au lieu d’avoir la coexistence des choses dans l’espace.

Comme l’espace nous sert à former et à mesurer le temps, le temps nous sert aussi, nous en avons vu des exemples, à calculer