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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

l’étendue. Il se produit donc ici une action et une réaction mutuelles. Un aveugle, dira qu’une canne est longue ou courte selon qu’il mettra plus ou moins de temps à la parcourir de la main. Si la canne, au lieu d’être immobile, se mouvait dans le sens de sa main sans qu’il s’en aperçût au frottement, elle lui paraîtrait extrêmement longue, et si elle se mouvait en sens contraire, extrêmement courte. C’est ce qu’ont montré certaines observations sur Laura Bridgmann. Il ne s’ensuit pourtant pas que l’idée de durée proprement dite intervienne ici. L’idée de nombre suffit peut-être à expliquer le fait : un espace parcouru nous paraît plus long lorsqu’il donne lieu à des sensations plus nombreuses, moins long lorsqu’il nous fournit un moindre nombre de sensations. Je ne veux pas dire que nous comptions une à une nos sensations ; nous ne comptons pas davantage les mètres cubes de terre contenus dans deux montagnes inégales, et cependant nous déclarons à première vue que l’une des deux est plus grande que l’autre et contient plus de terre. Il peut y avoir nombre sans qu’il y ait numération ; on peut calculer en gros sans entrer dans le détail. Les animaux ne connaissent pas l’arithmétique, et cependant une chienne s’apercevra très bien si le