nir n’est pas seulement la condition nécessaire de toute souffrance morale ; elle en est aussi, à un certain point de vue, le principe. Ce qui fait la grandeur de l’homme, — pouvoir se retrouver dans le passé et se projeter dans l’avenir, — peut devenir à la fin une source perpétuelle d’amertume. L’idée du temps, à elle seule, est le commencement du regret. Le regret, le remords, c’est la solidarité du présent avec le passé : cette solidarité a toujours sa tristesse pour la pensée réfléchie, parce qu’elle est le sentiment de l’irréparable. Aussi y a-t-il dans le simple souvenir, dans la simple conscience du passé, une image du regret et même du remords, et c’est ce que le poète a exprimé avec profondeur dans ce vers :
Le souvenir est toujours la conscience de
quelque chose à quoi nous ne pouvons rien
changer, — et cependant ce quelque chose se
trouve être attaché à nous pour toujours. Le
remords aussi est le sentiment d’une impuissance
intérieure, et ce sentiment même est
déjà contenu vaguement dans le souvenir par
lequel nous évoquons une vie qui nous échappe,