Page:Guyau - La Genèse de l’idée de temps.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

intermédiaires : ils se détachent devant nous tout comme la montagne, et tout le reste a disparu. Si on vous rappelle alors le nombre d’années qui se sont écoulées, vous dites : est-ce possible ? Au fond, ce que vous revoyez encore ici, par les yeux de l’imagination, c’est un certain coin de l’espace où quelque chose s’est passé, quelque chose d’heureux peut-être pour vous, et de regretté ; — tous les autres espaces parcourus disparaissent alors : vous voyez votre bonheur passé se dresser devant vous comme un sommet dans la pleine lumière ; il semble tout près dans le temps, parce que votre imagination le voit tout près dans l’espace où elle situe les choses.

Ainsi la mesure du temps, comme le temps lui-même, est un effet de perspective, et même, en grande partie, de perspective spatiale représentée à l’imagination. Selon le centre de perspective et selon la mesure dont on se sert, la perspective s’allonge ou se raccourcit : c’est simplement un effet d’optique imaginative. Pour mettre de la fixité dans ces visions de tableaux, nous sommes obligés d’emprunter à l’espace extérieur de quoi contrôler l’espace intérieur : nous faisons appel au retour du jour et de la nuit, à celui des