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LE TEMPS ET LA MÉMOIRE

quez à la plaque des vibrations plus ou moins rapides : en tournant plus vite la manivelle, vous voyez s’élever un même air des notes les plus graves et les plus indistinctes aux notes les plus aiguës et les plus pénétrantes. Ne pourrait-on dire qu’un effet analogue se produit dans le cerveau lorsque, fixant notre attention sur un souvenir d’abord confus, nous le rendons peu à peu plus net et le faisons, pour ainsi dire, monter d’un ou plusieurs tons ? Ce phénomène ne pourrait-il pas, lui aussi, s’expliquer par la rapidité et la force plus ou moins grandes des vibrations de nos cellules ? Il y a en nous une sorte de gamme des souvenirs ; sans cesse le long de cette échelle les images montent et descendent, évoquées ou chassées par nous, tantôt vibrant dans les profondeurs de notre être et formant comme une « pédale » confuse, tantôt éclatant avec sonorité par-dessus toutes les autres. Selon qu’elles dominent ainsi ou qu’elles s’effacent, elles semblent se rapprocher ou s’éloigner de nous, et nous voyons parfois la durée qui les sépare de l’instant présent s’allonger ou se raccourcir. Il est telle impression que j’ai éprouvée il y a dix ans et qui, renaissant en moi avec une nouvelle force sous l’influence d’une association d’idées ou simplement de