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de tous les vices, comme un misérable qui déchirait son bienfaiteur, le lendemain même du bienfait.

Toutes les dénégations, d’ailleurs, n’auraient pu donner le change à Desfontaines ; il n’avait pas un instant hésité à reconnaître la main qui le déchirait, et, si habitué qu’il fût à l’injure, il ne pouvait rester impassible en présence d’un aussi sanglant outrage. Il annonça donc hautement l’intention de se venger. À la nouvelle de cette résolution, Voltaire commence à perdre de son assurance ; il met tout en œuvre pour conjurer le danger qui le menace ; tantôt il regrette d’avoir été trop loin, tantôt il menace d’aller plus loin encore. « Assurez-le (ce coquin, ce scélérat), écrit-il à Thiriot, que j’ai en main de quoi le confondre et le faire mourir de honte, et que je suis un ennemi plus redoutable qu’il ne pense. » Mais ces rodomontades n’empêchèrent point Desfontaines de donner suite à son projet, et de publier, en réponse au Préservatif, la Voltairomanie, où il rendait à son agresseur outrage pour outrage.

Voltaire, qui aurait voulu avoir le monopole de la diffamation, fut frappé de stupeur à la lecture de la Voltairomanie, et, pour comble, il lui revint bientôt de toutes parts que la lecture de cette satire cruelle, faite par l’auteur lui-même, avec cet art que déploient les auteurs en débitant leurs œuvres, excitait à Paris des applaudissements unanimes. (Il