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Je perds un bienfaiteur, un guide, et plus que tout cela, un ami. S’il a paru de moi quelque écrit qui ait mérité des applaudissements, si j’ai montré quelque étincelle de talent et de goût,

C’est à vous, ombre illustre ! à vous que je le dois.

J’ose dire, Monsieur, et je ne crains pas d’en être démenti, que notre siècle a autant d’obligations à l’abbé Desfontaines que le siècle dernier en eut à Boileau. Si l’on veut même examiner sans prévention les services que ces deux auteurs ont rendus aux lettres, on conviendra sans peine que nous devons beaucoup plus à notre critique que nos pères ne durent à Boileau, par le besoin pressant que nous avions d’un censeur judicieux et éclairé… D’ailleurs, l’ami de Racine, comme poète, n’a fait qu’effleurer les auteurs et jeter en passant du ridicule sur leurs misérables productions, au lieu que l’Aristarque de nos jours est entré dans des détails aussi instructifs qu’agréables… L’érudition, le choix, l’abondance, la précision, la délicatesse et l’enjouement, voilà ce qui caractérise cette plume célèbre. Il avait le coup d’œil infaillible ; il saisissait parfaitement le ridicule dans le goût d’Horace et de Lucien.


Cependant, soit qu’il fût impatient de voler de ses propres ailes, soit qu’il cédât à quelque considération que nous ignorons, Fréron, trois mois avant le mort de Desfontaines, le 1er septembre 1745, commença la publication d’un Journal à lui, sous le titre de Lettres de Madame la Comtesse de ***[1].

Voici le jugement qu’en porta le maître (Jugements, t. x, p. 288) : « C’est un petit ouvrage in-

  1. C’est donc par inadvertance que M. Ch. Nisard dit que Fréron s’attacha à Desfontaines, « qui rédigeait alors un petit journal intitulé : Lettres à Madame la Comtesse de… »