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cuté de toute leur fureur et de toute leur adresse. Je ne vous parle plus des libelles abominables qu’ils ont publiés contre moi, de leur acharnement à décrier ces malheureuses feuilles…, de leurs efforts pour me rendre odieux au gouvernement, de leur satisfaction lorsqu’ils ont pu réussir à me faire interdire mon travail, et quelquefois même à me ravir la liberté de ma personne. Malheureusement, dans le moment qu’ils se flattaient d’être délivrés d’un Aristarque incommode, je reparaissais sur l’arène avec l’ardeur d’un athlète dont quelques blessures que des lâches lui ont faites en trahison ranimaient le courage au lieu de l’abattre.

Le grand but qu’ils se proposaient était l’extinction d’un journal où je respecte aussi peu leur doctrine détestable que leur style emphatique, où, faible roseau, j’ai l’insolence de ne pas plier devant ces cèdres majestueux. Désespérés de ne pouvoir faire supprimer ces feuilles, ils formèrent le projet de les faire tomber, et vous conviendrez, quand vous en serez instruit, qu’ils s’y prirent très-habilement pour couronner ce dessein d’une heureuse exécution. Le détail de cette anecdote ne vous ennuiera pas.

Un censeur, nommé par le chef de la justice, a toujours mis à mes ouvrages le sceau de son approbation. Feu M. l’abbé Trublet fut chargé pendant longtemps de les examiner ; mais, fatigué des plaintes importunes des auteurs, qui sans cesse lui faisaient des reproches de mes critiques, il m’annonça que son repos ne lui en permettait plus la révision. Je demandai un autre censeur, et, pour le mettre à couvert des criailleries de la tourbe des écrivailleurs, je priai le magistrat qui présidait alors à la librairie de m’en donner un qui gardât l’anonyme. Le magistrat goûta cet expédient ; mais il ajouta qu’il ne fallait pas que je susse moi-même le nom du censeur, afin que, lorsqu’il se croirait obligé de me rayer quelques traits, il fût inaccessible à mes instances pour les lui faire passer. On régla donc que le censeur ne serait connu que du magistrat et d’une autre personne que je connaîtrais, à qui je remettrais mes articles, qui serait chargée de les donner au censeur et de les retirer de ses mains lorsqu’il les aurait approuvés.