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une opposition, des animosités, qui le déconcertèrent. Il s’en plaint amèrement à Voltaire : « Il est également triste et inconcevable lui écrivait-il, d’être haï par une foule de personnes qu’on n’a jamais vues. » À quoi Voltaire répliquait : « Il y a eu de tout temps des Frérons dans la littérature ; mais on dit qu’il faut qu’il y ait des chenilles pour que les rossignols les mangent, afin de mieux chanter. » La recette était singulière. La Harpe en usa trop ; il eut trop affaire aux chenilles de la littérature, et il n’en devint pas plus rossignol. Il n’eut pas le bon esprit de ne se point choquer des critiques modérées, ni de fermer les yeux sur les injures et les méchants procédés que l’envie oppose à tout succès, à toute célébrité naissante ; il engagea avec la foule des amours-propres des auteurs du temps une guerre, ou plutôt mille petites guerres, dans lesquelles sa dignité d’homme et d’écrivain reçut de cruelles et irrémédiables blessures.

Ces querelles incessantes, les sifflets qui, à tort ou à raison, ne lui étaient pas épargnés, l’existence inégale et nécessiteuse qu’il mena d’abord, tout cela était peu propre à fonder la considération et à imprimer le respect. Ajoutez qu’il était petit de taille, et même exigu, « haut comme Ragotin », disait Voltaire ; ses ennemis l’avaient surnommé Bébé, en lui appliquant le sobriquet d’un nain du roi Stanislas ; j’omets les autres sobriquets de Harpula,