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Furieux du jugement qu’avait porté le Journal de Paris de sa tragédie des Barmécides, La Harpe avait adressé à Dussieux une lettre fulminante et pleine de menaces, qui se terminait par ces mots : « Il vous sied bien à vous de juger les productions du génie, à vous qui n’êtes connu qu’au carcan ! » Carcan était là pour Caveau. Plainte fut portée au lieutenant-criminel, et la malencontreuse lettre était déjà dans la poche d’un procureur pour valoir ce que de raison, quand on finit par s’expliquer.

Ces recours à l’autorité n’empêchaient pas les auteurs critiqués de se servir de toutes les autres armes usitées dans ces sortes de querelles ; on connaissait dès lors le droit de réponse, et on en usait largement. Nous lisons dans la Correspondance littéraire, à la date du 2 janvier 1782 :


J’ai un conseil d’ami à vous donner. Ne dites et surtout n’écrivez jamais que MM. de Piis et Barré ne sont pas très-plaisants. Le pauvre auteur de l’Année littéraire sait comme on punit un tel blasphème. Ces trois plaisants messieurs vous accableraient de mortelles lettres de plusieurs pages, où, en entassant prose, vers, citations, latin même, car ils font arme de tout, ils vous démontreraient, à vous faire périr de vapeurs, que les petits vers dont ils bouchent les trous de ces espèces de cribles où tout le fin passe, que nous nommons des journaux, sont excessivement ingénieux ; que Les Amours d’été, Les Vendangeurs ou les deux Baillis, Cassandre astrologue, Aristote amoureux, Le Bonnet magique, etc., sont des efforts de génie, d’importants services rendus à la patrie, influant merveilleusement sur le caractère national ; car (admirez la force du raisonnement) si