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Page:Heine - Intermezzo lyrique, traduit par Charles Beltjens,1888.djvu/10

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On entend le clairon du dernier jugement :
Vers le ciel ou l’enfer tout se lance !
— Mais nous deux dans la tombe, enlacés tendrement,
Sans souci nous restons en silence.


XXXIII


Sur un sommet de l’aride Norwège
Croît un sapin, sauvage enfant du Nord
Un lourd manteau, fait de glace et de neige,
De sa blancheur l’enveloppe ; — il s’endort.

En rêve il voit la palme solitaire
Se désolant dans l’orient lointain,
Sur un rocher brûlant comme un cratère,
Sous un soleil qui jamais ne s’éteint.


XXXIV


LA TÊTE

Comme un tabouret, sous ses pieds chéris,
Que ne puis-je à mon gré m’étendre !
Jamais je ne ferais entendre,
Foulée à plaisir, le moindre des cris.

LE CŒUR

Pelotte où ses doigts plantent ses aiguilles,
Que ne suis-je ton remplaçant !
Leur piqûre irait jusqu’au sang
Que je bénirais ces cruelles filles.

LA CHANSON

Papillotte, autour de ses beaux cheveux,
Si j’étais toi, ma voix plus tendre
Ferait à son oreille entendre,
En plus doux soupirs, mes brûlants aveux.


XXXV


Quand ma très-chère fut absente,
Plus d’un bouffon, mine agaçante,
De ses lazzis me régala ; —
Mais mon rire n’était plus là.

À présent qu’elle m’est ravie,
Des pleurs aussi je perds l’envie ;
De tout bonheur je suis exclus,
Mais pleurer je ne saurais plus.


XXXVI


À mes sombres chagrins mes petites chansons
Prêtant leurs sonores plumages
Vers le cœur de ma belle, en mêlant leurs doux sons,
Apportent mes tendres hommages.

Du voyage, bientôt, qu’à ce but elles font,
Chacune revient et soupire ; —
Ce qu’elle a dans son cœur aperçu tout au fond
Aucune ne veut me le dire.