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Page:Heine - Intermezzo lyrique, traduit par Charles Beltjens,1888.djvu/9

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XXIX


Et pendant que j’errais en pays étranger.
Rêvassant et flânant, sans souci du danger,
Ma mignonne trouva le temps long, et, coquette.
Pour sa noce elle fit d’une robe l’emplette,
Et choisit, l’embrassant des plus tendres façons,
Pour son cher fiancé le plus sot des garçons.

Ma mignonne est si belle et si douce ! — l’image
De ces traits gracieux règne en moi sans partage,
Et sa joue empourprée et l’azur de ses yeux
Rajeunissent toujours en éclat radieux ; —
Voyager, quand maîtresse aussi belle on courtise,
Ce fut là le plus sot de mes traits de sottise.


XXX


Toujours tes beaux yeux sont deux violettes ;
Ta joue éblouit les roses coquettes,
Les lis envieraient tes mains si fluettes.
Tout reste charmant, vermeil et fleuri.
Ton cher petit cœur, lui seul, est flétri.


XXXI


La terre sourit ; le bleu firmament
L’entoure, attiédi, d’un souffle d’amant ;
Couverte de fleurs, où luit la rosée,
La plaine a des airs de jeune épousée ;
Chaque être se dit : Ce monde est charmant !
— Et moi je voudrais avoir sous la terre,
Aux bras d’une amante, un lit solitaire !


XXXII


Mon amour, quand sera ton cher corps au tombeau
Étendu sur sa couche de glace
Je viendrai, triomphant de la nuit sans flambeau ;
Près de toi m’emparer de ma place.

Je te tiens, toi si froide et si pâle, en tremblant,
Et mon âme en extase ravie,
Fou d’amour, je t’embrasse et te presse, exhalant
Mes sanglots, mes baisers et ma vie.

Pour la danse macabre, à l’appel de minuit,
Tous les noirs trépassés s’avertissent ;
— Mais qu’importe à nous deux ! nous restons dans la nuit,
Où tes bras amoureux m’engloutissent.