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Page:Heine - Intermezzo lyrique, traduit par Charles Beltjens,1888.djvu/7

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Et cymbales, clairons, langoureux violons,
Et fifres moqueurs qui sifflottent ;
À travers leurs doux sons emplissant les salons
Les bons petits anges sanglottent.


XXI


L’as-tu donc oublié, tout à fait oublié,
Que ton cœur fut à moi ; que mon cœur fut lié
À ton cher petit cœur, si mignon, si perfide,
Qu’un pareil, je le crois, nulle part ne réside ?

As-tu donc oublié mon amour souverain,
Mon amour qu’a suivi tout de sombre chagrin ?
— Je ne sais si l’amour dépassa la souffrance,
Je sais bien que des deux la grandeur fut immense.


XXII


Si les petites fleurs
Connaissaient mes alarmes,
Pour guérir mes douleurs,
Chacune avec mes pleurs
Voudrait mêler ses larmes.

Si les rossignolets
Savaient quel mal m’oppresse,
Ces charmants oiselets,
De leurs plus doux couplets,
Berceraient ma détresse.

Les étoiles aussi,
Regardant ma misère,
Sur mon affreux souci,
Aussitôt radouci,
Verseraient leur lumière.

Mais de sa cruauté
Nul ne sait la torture,
Excepté la Beauté
Dont la main m’a porté
L’incurable blessure.


XXIII


Dis-le moi, mon amour, quel chagrin donne aux roses
Cet air pâle au milieu de la belle saison ?
Violettes, pourquoi cachez-vous, si moroses,
Vos charmants petits yeux sous l’humide gazon ?

Alouettes, pourquoi vos chansons matinales
Semblent-elles gémir à l’approche du jour ?
Des jardins embaumés, pleins de fleurs virginales,
Quelle odeur funéraire envahit le séjour ?

Pourquoi donc le soleil sur les mornes prairies
Laisse-t-il à regret trembloter son flambeau ;
Et la terre, si triste, aux couleurs assombries,
Pourquoi donc semble-t-elle un immense tombeau ?

Et moi-même, abattu, la poitrine meurtrie,
D’où me viennent ces pleurs, et ces cris de blessé ?
— Est-ce vrai, dis le moi, dis le moi, ma chérie,
Est-ce vrai qu’à jamais tu m’aurais délaissé ?


XXIV


L’air dolent, me jetant le blâme,
Ils t’ont beaucoup jasé ; — pourtant,
Du mal qui me torturait l’âme
Ils n’ont pu gloser un instant.

Chacun hochant, fier et capable,
Sa caboche à l’air important,
Ils m’ont fait passer pour le diable
Tu pris tout pour de l’or comptant.