Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 4.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les hommes à exiger de leurs amis des perfections que la nature ne comporte pas.

Séduits par de pareilles peintures, mais enfin éclairés par l’expérience, une infinité de gens nés sensibles, mais lassés de courir sans cesse après une chimere, se dégoûtent de l’amitié, à laquelle ils eussent été propres s’ils ne s’en fussent pas fait une idée romanesque.

L’amitié suppose un besoin. Plus ce besoin sera vif, plus l’amitié sera forte : le besoin est donc la mesure du sentiment. Qu’échappés du naufrage un homme et une femme se sauvent dans une île déserte ; que là, sans espoir de revoir leur patrie, ils soient forcés de se prêter un secours mutuel pour se défendre des bêtes féroces, pour vivre et s’arracher au désespoir : nulle amitié plus vive que celle de cet