Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/172

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pour tenir tout un peuple sous sa protection, n’en aura-t-il pas assez pour opprimer sa liberté ? Il n’y a donc rien en cela de dur, et dont on ne doive supporter l’incommodité. On ne doit se plaindre que du malheur, ou de la bigarrerie des affaires humaines, qui ne permettent point qu’on goûte aucun bien si épuré, que la douceur n’en soit gâtée par quelque mélange d’amertume. Et le mal qu’il y a en cela est d’autant plus supportable, qu’il vient de la faute des sujets, plutôt que de celle de l’empi­re. Car, si les hommes savaient se gouverner eux-mêmes, et s’ils vivaient selon les lois de nature, ils n’auraient que faire de politique ; l’ordre des États ne leur serait point nécessaire, et il ne faudrait point les tenir dans le devoir par une autorité publique.

« On objecte en deuxième lieu, qu’il n’y a aucun empire absolu dans la chré­tienté. Ce qui est faux. Car toutes les monarchies, et tous les autres États le sont. Mais, bien que ceux qui ont la puissance souveraine ne fassent pas tout ce qui leur plaît et qu’ils jugent de l’utilité publique ; toutefois ce n’est pas tant manque de droit, que pour ce qu’il connaissent le naturel des peuples, et qu’ils savent qu’étant attachés à leurs petits intérêts, et celui du public ne les tou­chant guère, ce ne serait pas sans danger qu’on les voudrait contraindre à faire leur devoir. De sorte que c’est une sage conduite aux princes,