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Il me reste enfin à exposer comment j’ai pu être amené à entreprendre et à mener à terme une traduction du Léviathan.

N’eût été cette guerre qui pendant cinq années m’a mis dans l’impossibilité de continuer, au moins aussi activement que j’eusse voulu pouvoir le faire, mes travaux et mes recherches de laboratoire, je n’eus jamais entrepris une tâche aussi longue et aussi éloignée en apparence de l’objet habituel de mes études.

Dans des circonstances, où il était difficile de choisir une occupation intellectuelle et qui fut praticable, je me félicite du choix que j’ai fait. En ces temps où il me paraît si regrettable de voir s’approfondir de jour en jour le fossé qui, depuis le début du siècle dernier, se creuse entre les philosophes et les scientifiques, il m’a semblé éminemment utile de mettre sous les yeux de ces derniers qui trop souvent confondent avec la science les tout premiers moyens d’y parvenir[1] l’œuvre maîtresse de celui qui, on ne le sait pas assez, a le mieux compris ce qu’était vraiment la Science et a le plus fait pour elle : d’abord, en la définissant, ensuite, en en indiquant les procédés essentiels, en en éclairant les voies, enfin, en montrant, par l’exemple de ses spéculations dans la branche la plus complexe de toutes les branches du savoir raisonné humain, comment en

  1. Voir à ce sujet R. Anthony : L’étude de l’Anatomie comparée des Mammifères, en France, à l’époque actuelle. Revue générale des Sciences, 15 octobre 1917.
    Aug. Comte (Discours sur l’Esprit positif) signalait déjà l’ « empirique prépondérance de l’esprit de détail » chez certains savants de son temps et leur « aveugle antipathie pour toute généralisation quelconque. »