Aller au contenu

Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cacha son visage dans ses mains, et sanglota amèrement. Enfin, surmontant l’accés de désespoir qui s’était emparé de lui, il poursuivit :

« Madelon me regardait d’un œil amical ; elle venait de plus en plus souvent dans l’atelier. Dans quelle ivresse me plongea la découverte de son amour ! Malgré la surveillance sévère de son père, maintes fois de tendres serrements de mains furent les gages de notre sympathie, et Cardillac semblait n’en avoir rien deviné. Je songeai à me concilier de plus en plus son amitié, et à acquérir la maîtrise pour pouvoir demander la main de Madelon. — Un matin, comme je faisais mes préparatifs de travail, Cardillac vint à moi, le courroux et le mépris peints dans ses sombres regards. “Je n’ai plus besoin de tes services, me dit-il brusquement, sors de la maison à l’instant même, et ne reparais plus jamais devant mot. Pourquoi je ne puis plus te souffrir ici, je n’ai pas besoin de te le dire. Le doux fruit que tu convoites pend à une branche trop élevée pour toi, pauvre hère !” Je voulais parler, mais il me saisit d’une main vigoureuse, et me jeta à la porte avec une telle violence que je tombai et me blessai gravement au bras et à la tête. Outré de colère, accablé d’une douleur inouie, je quittai la maison, et je rencontrai enfin, à l’extrémité du faubourg Saint-Martin, une généreuse connaissance qui m’accueillit dans son grenier.

» Je ne prenais ni repos ni trêve. Pendant la nuit je rôdais autour de la maison de Cardillac, imaginant que Madelon entendrait mes soupirs, mes