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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/300

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Le vieux Daniel, saisi de frayeur à ce discours menaçant, s’était laissé tomber sur ses genoux aux pieds du baron, ce qui explique comment celui-ci, accompagnant ses derniers mots d’un violent mouvement du pied droit, frappa le vieillard dans la poitrine si rudement, qu’il tomba à la renverse en jetant un cri étouffé. Le baron n’y mit peut-être pas d’intention, car il arrive souvent que la colère imprime au corps une impulsion mécanique en faisant concorder les gestes avec la pensée. Quoi qu’il en soit, Daniel se releva avec peine, poussant un cri extraordinaire, semblable au gémissement d’une bête fauve blessée à mort. Il lança au baron un regard brûlant de rage et de désespoir, et laissa, sans y toucher, sur le parquet la bourse pleine que celui-ci lui jeta en s’en allant.

Cependant les plus proches parents de la famille et la noblesse voisine s’étaient rendus au château. Le vieux baron fut inhumé en grande pompe dans le caveau de la famille, construit dans la chapelle de R....sitten ; et après le départ de tous ces hôtes étrangers, le nouveau propriétaire du majorat parut affranchi de son humeur sombre, et se livra à la joie de sa nouvelle fortune.

Il eut avec V***, le justicier du vieux baron, auquel il accorda de prime abord toute sa confiance, de minutieux entretiens sur le compte des revenus du majorat, et il mit ensuite en délibération la quotité des sommes disponibles pour les réparations du château et la construction d’un nouveau. V*** regardait comme absolument impossible que le vieux baron eût