Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/141

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LE FROMAGE

Deux chats avoient pris un fromage,
Et tous deux à l’aubaine avoient un droit égal.
Dispute entre eux pour le partage.
Qui le fera ? Nul n’est assez loyal.
Beaucoup de gourmandise et peu de conscience ;
Témoin leur propre fait, le fromage volé.
Ils veulent donc qu’à l’audiance,
Dame justice entr’eux vuide le démêlé.
Un singe maître clerc du bailli du village,
Et que pour lui-même on prenoit,
Quand il mettoit par fois sa robe et son bonnet,
Parut à nos deux chats tout un aréopage.
Pardevant dom Bertrand le fromage est porté,
Bertrand s’assied, prend la balance,
Tousse, crache, impose silence,
Fait deux parts avec gravité ;
En charge les bassins ; puis cherchant l’équilibre,
Pésons, dit-il, d’un esprit libre,
D’une main circonspecte ; et vive l’équité,
Ça ; celle-ci me paroît déja trop pésante.
Il en mange un morceau. L’autre pése à son tour ;
Nouveau morceau mangé par raison du plus lourd.
Un des bassins n’a plus qu’une legere pente.