Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/102

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se succèdent les uns aux autres et qu’ils s’assemblent, comme les abeilles et les fourmis. À cette vue, il n’est personne en toute la province auquel le cœur ne tremble et les cheveux ne se dressent ; d’autant qu’on remarque ces étrangers empiéter tous les jours davantage, par des moyens pleins de ruse et de fourberie. Ils ont fait bâtir, à leurs frais, une grande tour, afin de se ménager par cet artifice une entrée dans la ville de Tchao-King, où ils ont amené avec eux une foule d’autres hommes méchants, qu’on voit sans cesse aller et venir sur les canaux et sur les fleuves.

« Nous craignons, et non sans cause, que ces barbares ne soient autant d’espions pour surprendre nos secrets et en instruire les leurs. Il est surtout à redouter que se liguant peu à peu avec ceux de notre nation qui sont amateurs de nouveautés, ils ne soient la source de quelque grande calamité pour l’empire Central, et qu’ils ne dispersent notre peuple sur la vaste étendue des mers, comme des poissons et des marsouins. C’est peut-être ce malheur que présagent nos livres où il est écrit : « Vous avez semé des épines et des orties en une douce terre ; vous avez introduit en vos demeures des serpents et des dragons… » Macao est un danger semblable à un ulcère qu’on a laissé s’engendrer aux pieds et aux mains. Il n’y a pas à trop s’effrayer, si l’on a soin d’appliquer à temps le remède. Mais le mal de Tchao-King est un ulcère qui a déjà envahi la poitrine et le cœur ; la raison veut qu’on pratique sans délai l’opération.

« C’est à cause de cela que nous, les anciens de Canton, nous avons jugé nécessaire d’avertir le