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TAS DE PIERRES.
III.

Désormais, ceux de nos poëtes qui auront le pressentiment de l’avenir réservé à notre langue, à notre civilisation et à notre initiative, ne consulteront plus seulement le génie français, mais le génie européen.

[1838-1840.]

Le beau style, c’est le fond du sujet sans cesse appelé à la surface.

[1836-1838.]

Ô belle langue grecque, dont les mots ressemblent à des vases !

Les mots sont des vases en effet. Des vases qui contiennent la pensée. Faits par Dieu, pleins de l’homme.

[1856-1860.]

La nature procède par contrastes.

C’est par les oppositions qu’elle fait saillir les objets. C’est par leurs contraires qu’elle fait sentir les choses, le jour par la nuit, le chaud par le froid, etc. Toute clarté fait ombre. De là le relief, le contour, la proportion, le rapport, la réalité. La création, la vie, le destin, ne sont pour l’homme qu’un immense clair-obscur.

Le poëte, ce philosophe du concret et ce peintre de l’abstrait, le poëte, ce penseur suprême, doit faire comme la nature. Procéder par contrastes. Soit qu’il peigne l’âme humaine, soit qu’il peigne le monde extérieur, il doit opposer partout l’ombre à la lumière, le vrai invisible au réel visible, l’esprit à la matière, la matière à l’esprit ; rendre le tout, qui est la création, sensible à la partie, qui est l’homme, par le choc brusque des différences, ou par la rencontre harmonieuse des nuances. Cette confrontation perpétuelle des choses avec leurs contraires, pour la poésie comme pour la création, c’est la vie.