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POST-SCRIPTUM DE MA VIE.

La beauté n’est pas autre chose que l’infini contenu dans un contour. Mais rien que dans ce seul mot, quel mystère !

[1850.]

Aucune grâce extérieure n’est complète si la beauté intérieure ne la vivifie. La beauté de l’âme se répand comme une lumière mystérieuse sur la beauté du corps.


On aime une femme comme on découvre un monde : en y pensant toujours.

[1844.]

La nature a fait un caillou et une femelle ; le lapidaire fait le diamant et l’amour fait la femme.

[1844-1846.]

Dans notre société comme elle est faite, la femme doit tenir l’homme attaché à elle par un fil ; mais il faut que le fil soit long, qu’il se dévide presque indéfiniment entre les doigts intelligents de la femme, et que l’homme ne le sente jamais. Il le casserait. Il arrive parfois que l’homme, allant et venant un peu au hasard, mêle à son insu le fil aux événements compliqués de la vie et l’y embrouille. La femme alors vient sans bruit derrière lui, et, sans qu’il s’en aperçoive, détache délicatement le fil de la broussaille. Mystérieuse et difficile opération que les femmes seules savent faire et qui s’appelle sauver le bonheur.


Dans une femme complète il doit y avoir une reine et une servante.

[1844.]

Une jeune fille quitte aisément son amoureux et un homme quitte aisément sa maîtresse ; la fille parce qu’elle a tout gardé, l’homme parce qu’il a tout reçu. Que la femme ne devienne pas une maîtresse, que l’homme ne devienne pas un amant, c’est tout le contraire.

Le cœur de la femme s’attache par ce qu’il donne, le cœur de l’homme se détache par ce qu’il reçoit.

[1840-1844.]