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gler le sort définitif de ses Quatre vents de l’Esprit, il tenait, alors que l’ancienne annonce était oubliée, à conserver jusqu’à la dernière heure sa liberté, et à pouvoir au besoin donner à Toute la lyre ce caractère d’universalité qu’il lui réservait.

Toute la lyre ne devait pas être publiée de son vivant.

Il se décida en mars 1881 à remettre à l’imprimerie une partie de ses manuscrits des Quatre vents de l’Esprit, et les deux volumes paraissaient le 31 mai.


Nous avons essayé d’établir nettement l’origine des Quatre vents de l’Esprit, il nous reste maintenant à déterminer l’origine de chacun des livres, à en suivre la marche et le développement.

Victor Hugo n’avait pas, comme pour d’autres œuvres, adopté un plan, nous venons de le constater et d’en exposer les raisons. L’échelonnement de ses poésies sur une période de plus de trente années, les sources diverses d’inspiration auxquelles il a puisé excluaient nécessairement toute idée préconçue. Aussi c’est l’historique des quatre livres plutôt que l’historique de ses projets, de ses intentions ou de l’évolution de sa pensée qu’on trouvera dans les notes qui vont suivre.


À côté des chefs-d’œuvre qu’il donnera successivement comme les Châtiments, les Contemplations, la Légende des Siècles, naissent et foisonnent les poésies contemporaines des mêmes inspirations.

De 1852 à 1859, c’est l’épanouissement du génie poétique dans toute sa splendeur, c’est sa royauté souveraine s’exerçant sur tous les domaines, c’est le souffle puissant agitant toutes les cordes de la lyre ; aussi Victor Hugo pouvait bien écrire en 1852 à Van Hasselt : « Les vers sortent en quelque sorte d’eux-mêmes de toute cette splendide nature » ; il pouvait écrire le 14 janvier 1855 à Émile Deschanel : « Je travaille presque nuit et jour ; je vogue en pleine poésie ». Il a une si merveilleuse fécondité qu’il ne peut, par des haltes, en interrompre le courant ; les vers se pressent si nombreux, si variés, qu’il doit leur sacrifier le sommeil de ses nuits. Et, dans cette magnifique période de sept années, il aura si bien « vogué en pleine poésie » que, comme les explorateurs, il aura rapporté cette belle floraison de poésies qui figureront dans les divers livres des Quatre vents de l’Esprit.


Prenons le livre satirique. Nous y trouvons des pièces de toutes les époques, puisque la première est datée du 7 août 1849 et la dernière du 30 mai 1875. Néanmoins c’est dans les Châtiments qu’il faut chercher l’origine du livre satirique. Sans doute on objectera qu’il n’y a dans les Quatre vents de l’Esprit qu’un petit nombre de pièces de 1853, 1854 et 1855. C’est incontestable. Mais ne sont-ce pas les Châtiments qui ont poussé Victor Hugo vers la poésie satirique ? n’est-ce pas le coup d’État qui éveilla en lui cette verve cinglante qu’il ne se connaissait pas encore ? n’est-ce pas à la lueur de ces événements qu’il a ajouté une nouvelle corde à sa lyre ?

Si le coup d’État lui a dicté ses poésies de 1853, de 1854, de 1855, il retrouvera, à l’époque de nos désastres, ses colères contre l’empire, contre toutes les iniquités et les abus de la force. C’est ce qui explique pourquoi certaines pièces sont datées de 1870, de 1871, de 1874 et de 1875.


Quant au livre lyrique, si on voulait faire une statistique des pièces datées, on reconnaîtrait qu’elles sont espacées sur douze années différentes ; mais la plupart appartiennent aux années 1854 et 1855 comme d’ailleurs le plus grand nombre des pièces des Contemplations. On compte en effet vingt-huit pièces du livre lyrique et quatre-vingt-dix pièces des Contemplations, et on est amené à conclure que, si le livre lyrique ne tire pas, à