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Siècles il a le projet de la faire précéder d’un prologue intitulé les Statues[1]. Que pouvait être ce prologue ? Nous n’avons sur ce point aucune note, mais il est clair qu’il ne pouvait être question ici de la première partie de la Révolution qui porte le titre les Statues et qui est la préface nécessaire des deux autres parties : les Cariatides et l’Arrivée. Ce qui est vraisemblable c’est que Victor Hugo voulait donner à la Pitié suprême un prologue, qu’il aurait appelé les Statues, et qu’ayant renoncé à son projet il disposait alors de ce titre. Or, comme les divisions de la Révolution ne sont séparées sur le manuscrit que par des blancs et ne portent pas de titres, le jour où il a décide que ce poème formerait le livre épique des Quatre vents de l’Esprit, il a intitulé la première division : les Statues, et les deux autres divisions : les Cariatides et l’Arrivée.


Nous arrivons au livre dramatique ; il est désigné comme livre II dans les Quatre vents de l’Esprit, mais il a été écrit et surtout il a été arrêté très tardivement, en 1869. Il est né du Théâtre en liberté.

En 1865, l’amour de Victor Hugo pour le théâtre se réveilla tout à coup au bout de vingt-deux ans. Il avait complètement renoncé à la scène, à la suite des Burgraves en 1843, et, on aurait pu le penser, sans esprit de retour. Dégoûté des vilenies et des invectives, il avait cru de sa dignité de reculer désormais, comme le disait Auguste Vacquerie, devant les éclaboussures. Mais « la corde dramatique vibrait trop puissamment en lui », suivant Paul de Saint-Victor, et s’il n’avait plus en effet l’idée de faire représenter quelque pièce, il était possédé de ce démon du théâtre qui le poussait à écrire des comédies et des drames. Diversion, délassement, besoin de varier ses travaux, de se renouveler. Entre deux chapitres des Travailleurs de la mer, il ébauche des projets de pièces. C’est tout d’abord une comédie en un acte : Margarita, qui appartiendra plus tard aux Quatre vents de l’Esprit et qui sera ensuite accompagnée d’un drame. Pour l’instant il vit avec sa Margarita. Il la promène même, car sur son carnet de voyage, en 1865, songeant à son Gallus et à sa Margarita, il écrit les vers suivants :

Cherchant un grain de seigle
Cherchant un grain de mil un coq trouve une perle.
Certe, on doit s’étonner d’un lys noir, et d’un merle
Blanc, et d’une arabesque errant dans le damier,
Mais moins que d’une perle au milieu d’un fumier.
Le coq fut peu surpris et fort mécontent.

Il n’écrira cette comédie contemporaine de la Grand’Mère qu’en 1869, mais déjà en 1866, sur la couverture des Travailleurs de la mer, on lisait :

M. Victor Hugo fera paraître
PROCHAINEMENT :
TORQUEMADA,
DRAME EN CINQ ACTES.
MARGARITA,
COMÉDIE EN UN ACTE.
LA GRAND’MÈRE,
COMÉDIE EN UN ACTE.

Victor Hugo commençait le 21 juillet 1866 son roman l’Homme qui Rit ; cependant il notait quelques scènes de Margarita, et un an après, le 11 juillet 1867, faisant ses préparatifs de départ pour son voyage en Zélande, il laissait entre les mains de Mme Chenay, la sœur de Mme Victor Hugo, divers manuscrits et « un dossier contenant des choses commencées (dont Margarita) »[2]. La petite comédie commencée en 1865, continuée en 1867, pourrait assurément être terminée en 1868, mais l’achèvement de son roman l’Homme qui Rit, la longue correspondance entretenue avec ses amis Paul

  1. Voir tome II de la Légende des Siècles de cette édition, Historique, p. 528.
  2. Voir l’Historique de l’Homme qui Rit de cette édition, p. 580.