Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/121

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sement. Cette sécurité de la petitesse, nous l’avons dit déjà, si quelqu’un l’avait sur la terre, c’était ces deux êtres, Gwynplaine et Dea ; mais jamais elle n’avait été si complète. Ils vivaient de plus en plus l’un par l’autre, l’un en l’autre, extatiquement. Le cœur se sature d’amour comme d’un sel divin qui le conserve ; de là l’incorruptible adhérence de ceux qui se sont aimés dès l’aube de la vie, et la fraîcheur des vieilles amours prolongées. Il existe un embaumement d’amour. C’est de Daphnis et Chloé que sont faits Philémon et Baucis. Cette vieillesse-là, ressemblance du soir avec l’aurore, était évidemment réservée à Gwynplaine et à Dea. En attendant, ils étaient jeunes.

Ursus regardait cet amour comme un médecin fait sa clinique. Du reste il avait ce qu’on appelait en ce temps-là « le regard hippocratique ». Il attachait sur Dea, frêle et pâle, sa prunelle sagace, et il grommelait : — C’est bien heureux qu’elle soit heureuse ! — D’au-