Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/143

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prenait-elle ? Gnafron ! Elle pouvait choisir au milieu des météores et des foudres l’immense séraphin à six ailes, et elle choisissait la larve rampant dans la vase. D’un côté, les altesses et les seigneuries, toute la grandeur, toute l’opulence, toute la gloire ; de l’autre, un saltimbanque. Le saltimbanque l’emportait ! Quelle balance y avait-il donc dans le cœur de cette femme ? à quel poids pesait-elle son amour ? Cette femme ôtait de son front le chapeau ducal et le jetait sur le tréteau du clown ! Cette femme ôtait de sa tête l’auréole olympienne et la posait sur le crâne hérissé du gnome ! On ne sait quel renversement du monde, le fourmillement d’insectes en haut, les constellations en bas, engloutissait Gwynplaine éperdu sous un écroulement de lumière, et lui faisait un nimbe dans le cloaque. Une toute-puissante, en révolte contre la beauté et la splendeur, se donnait au damné de la nuit, préférait Gwynplaine à Antinoüs, entrait en accès de curiosité devant les ténèbres, et y descendait, et de cette abdication de la déesse,