Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/106

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mentales charrettes dressent leurs bras munis de chaînes, abritant, ici une idylle faubourienne, là une maternité dont un enfant pompe avec acharnement la gorge sèche. Plus loin, une chèvre broute attachée à un piquet ; un homme dort, renversé sur le dos, les yeux abrités par sa casquette ; une femme assise répare longuement l’avarie de ses pieds.

Un grand silence couvre la plaine, car le grondement de Paris s’est éteint peu à peu et le bruit des fabriques aperçues arrive hésitant encore. Parfois on écoute cependant, comme une horrible plainte, le sourd et rauque sifflet des trains de la gare du Nord qui passent cachés par des talus plantés d’acacias et de frênes.

Au loin enfin, tout au loin, une large route blanche monte se perdant dans le ciel, mettant à son sommet comme un nuage lorsqu’une invisible carriole soulève, masquée par la courbe du terrain, des flocons de poussière.

Vers la brune, par ces temps où les nuées charbonneuses se roulent sur le jour mourant, le paysage s’illimite et s’attriste encore ; les usines ne montrent plus que des contours indécis, des masses d’encre bues par un ciel livide ; les enfants et les femmes sont rentrés, la plaine semble plus grande et, seul, dans le chemin poudreux, le mendiant, le mendigo, comme l’appelle la mouche, retourne au gîte, suant,