Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/180

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maîtres ; ces jeunes gens sont de ceux qui prennent les lanternes pour des vessies. Le respect humain, l’orgueil, le désir de ne pas paraître plus crédules que les impies, les détraquent. Tous ces gaillards-là ont lu Renan. Ils rêvent d’une religion sensée, raisonnable, ne choquant pas le bon sens du bourgeois par des miracles. Ne pouvant nier ceux des évangiles, car alors ils ne seraient plus catholiques, ils se rejettent sur ceux des saints et ils retournent, ils torturent, ils forcent les textes afin de tâcher de prouver que les témoins oculaires et que les écrivains qui les narrent, avaient tous la berlue ou étaient, tous, des imposteurs. Ah ! ça nous prépare un joli clergé ! — Et, ce qui est étrange et qui sera la caractéristique de notre époque, c’est ceci : un mouvement mystique se dessine actuellement chez les laïques et le mouvement inverse se produit chez les prêtres ; eux font à reculons le pas que nous, nous faisons en avant ; les rôles sont renversés. Il finira par n’y avoir aucune entente possible entre les pasteurs et les ouailles !

— Et ce mouvement gagnera les cloîtres, ajouta M. Lampre. Le frère Sourche n’est pas, croyez-le bien, un isolé ; celui-là est franc et se découvre ; d’autres, plus prudents, tairont ces idées jusqu’à ce qu’ils se sentent en nombre pour oser les exprimer ; un jour viendra où, pour manifester un esprit large et paraître érudit, un mauvais moine renchérira sur le système de démolissage de la nouvelle école. Nous avons déjà les partisans de la très libre exégèse, les abbés démocrates, nous finirons bien par avoir les frocards protestants !

— Que Dieu nous en préserve ! dit Dom Felletin.

— Un clergé et des religieux, sans mystique, quels