Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/284

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moinillons. Il s’asseyait au milieu d’eux, ne causait pas, les regardait avec de bons yeux, rire.

Bien qu’il fût interdit aux pères de communiquer avec les novices, l’on tolérait cette infraction et, par charité, les petits le promenaient, quand il en manifestait l’envie, dans leur allée.

Il était d’ailleurs vénéré par tous. Son cas était extraordinaire. Ce doyen qui était un moine de la vieille roche, n’avait jamais, sa vie durant, manqué à un office ; depuis qu’il extravaguait, il continuait de s’y rendre, ne se dispensant même pas de celui de matines dont tous les malades sont cependant exempts. Quand le P. Abbé lui avait dit : père, vous êtes âgé et souffrant, vous pouvez ne vous lever qu’à cinq heures, il avait doucement hoché la tête, comprenant très bien le sens des paroles et il avait persisté à occuper sa stalle, avant que le psaume des paresseux ne fût récité.

Et ce n’était pas affaire d’habitude, de routine, comme on pouvait le croire : car, marchant à peine, il se levait maintenant plus tôt, afin de n’être pas en retard. Il calculait très exactement son temps et priait très bien à l’église. La raison, sombrée pour les choses humaines, demeurait intacte, alors qu’il s’agissait de louer Dieu.

Et il était touchant, ce vieillard, s’appuyant aux murs pour gagner l’église. On lui avait adjoint un convers, un brave frère, pour le soutenir et le servir ; mais il refusait ses soins, ne voulait être à charge à personne. Il tomba un beau matin, et se fendit le front. Alors le P. Abbé lui défendit, au nom de l’obéissance, de sortir de sa cellule, sans être accompagné ; il comprit, pleura et, tant qu’il fut seul, ne bougea plus.