Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/346

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Le matin, quelques bonnes tricotaient près d’un gigantesque peuplier dont le tronc creux s’ouvrait en une grotte de bois, au ras du sol. Cet arbre, qui figurait sur d’anciennes vues cavalières de Dijon, bombait une carapace d’éléphant rogneux, cerclée de bandages, corsetée de fonte, étayée par des béquilles, retenue par des fils de fer, dans tous les sens.

Et, çà et là, des prêtres lisaient leurs bréviaires et des jardiniers brouettaient des charretées de fleurs ; l’on humait près des marges des plates-bandes, l’odeur de miel et d’herbe fraîche des iris ; mais par instants, l’ingénu et le sucré parfum était balayé par un coup de vent qui soufflait une bouffée de cette odeur aigre et mûre que répand le chalef, l’olivier de Bohême, dont on apercevait des spécimens, au fond du jardin, trois ou quatre arbres aux troncs d’encre, aux feuilles d’argent et aux fleurettes d’or.

Et cela sentait le melon avancé, la fraise qui tourne, l’emplâtre qu’on enlève.

Durtal, avant de s’asseoir, faisait un tour dans les allées qui séparaient les massifs. Il y avait là des collections de conifères, des cèdres bleus, des mélèzes variés, des pins aux fûts presque blonds et aux aiguilles presque noires et, dans les parterres, des corbeilles de roses saumonées, thé clair et soufre, des croix de malte d’un rouge de bichromate de potasse vif, des buissons magnifiques d’aconits, aux feuilles sombres, aux découpures linéaires aiguës, aux fleurs d’un bleu céleste de turquoises, mais de turquoises dont on aurait, de leur azur trop lourd, décanté le blanc.

C’est vrai cela, ruminait Durtal, ces aconits sont des