Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/348

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les bouchons, des palettes munies de cils blancs et coupés ras ; et elles arboraient, au soleil, des couleurs horribles, des verts de moisissure, des jaunes d’ictère, des violets de tartre de vin, des roses de brûlures, des bruns de morilles pourries, de cacao mouillé.

Cette exhibition de monstres l’amusait et il s’intéressait aux avatars de leurs tons, mais, ce matin-là, il était obsédé par les sculptures du puits et surtout par ce Claus Sluter dont la personnalité le hantait. Il s’éloigna des plantes grasses et, seul, sur un banc, il se remémora les quelques renseignements qu’il avait lus sur cet artiste.

On le savait né dans la Néerlande, originaire peut-être, ainsi que son neveu Claus De Werve, de Hatheim, au comté de Hollande. Il vint en Bourgogne, on ne connaît pas comment, et il entra, pendant l’année 1384, en qualité de sculpteur, dans l’atelier de Jean De Marville, maître imagier et varlet de chambre du duc. Après la mort de ce Marville qui trépassa, en 1389, il fut investi de ses titres et il travailla au tombeau de Philippe le Hardi, sculpta le portail de la Chartreuse, le puits de Moïse, diverses statues pour les châteaux de Germolles et de Rouvres.

Quel homme était-ce ? Faut-il croire, avec M. Cyprien Monget qui hasarde cette opinion, dans son livre très sagace et très documenté sur la chartreuse de Dijon, que Sluter était de caractère difficile et toujours mécontent, parce qu’il faisait constamment réparer ou modifier le logis qu’il occupait, après Jean De Marville, dans une maison appartenant au duc et surtout parce qu’il changeait d’ouvriers comme de chemises ? C’est