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LES FOULES DE LOURDES

errent, une valise à la main, en quête d’un gîte. Il va falloir organiser des trains spéciaux qui emmèneront coucher, le soir, dans les stations voisines, des pèlerins qu’ils ramèneront, dès l’aube du lendemain, à Lourdes. Inutile de dire que les abris de la rampe du Rosaire sont pleins. Ce matin, quand j’y arrive, c’est, en pénétrant dans les immenses salles, une touffeur si cuisante, si acre que je recule. Partout, sur le sol, des matelas, des femmes qui dorment tout habillées, un mouchoir sur la figure ; d’autres qui se rechaussent ; d’autres encore qui bâillent, les yeux bouffis et s’étirent sur le séant ; des enfants courent et se poursuivent ; une petite fille pleure ; et, au dehors, des hommes se débarbouillent avec un peu d’eau puisée dans le creux de la main et se secouent. On se croirait dans un campement de saltimbanques, dans un douar de bohémiens. Il en est de même au Rosaire qu’on essaie d’aérer en laissant ouvertes les portes ; des centaines de personnes y ont passé la nuit sur des bancs, tenues éveillées par les fouets de lumière électrique, par les chants, jusqu’à minuit ; et, à cette heure, elles ont succombé à la fatigue quand tout s’est tu et que les messes ont commencé. Les sacristains sont sur les dents. Ils ont déjà fourni le vin, les hosties, le linge pour plus de mille messes qui se sont débitées dans le Rosaire, cette nuit, et qui vont continuer maintenant