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LES FOULES DE LOURDES

Les autres pontifes qu’elles guettaient jusqu’alors pour se faire bénir et leur baiser l’anneau ne comptent plus ; cet exotique qui a l’air indolent et souffreteux, les rejette tous dans la pénombre ; et, harcelé par les femmes, il les bénit tant qu’elles veulent, leur tend à sucer son bonbon d’améthyste, visiblement ravi de son succès.

Quel est en réalité ce romanichel violet que ses confrères me paraissent regarder avec défiance ? c’est un évêque de Palestine venu en France afin de trouver pour les prêtres de son diocèse de l’argent et de taper par des quêtes les fidèles.

Et j’entends, autour de moi, des conversations de ce genre : où dit-il sa messe ? ah ! si l’on pouvait être communié par lui !

Quel concept du catholicisme dans ces têtes de pioche ; elles s’imaginent que la communion distribuée par ce jeune oriental serait supérieure à celle dispensée par un simple prêtre !

Et une fois bénies et rebénies par cette complaisante Grandeur, infatigablement elles assiègent la fontaine et vident des gobelets d’eau ; puis elles recommencent à défiler dans la grotte et elles font toucher à la place du roc que l’on baise sous la statue, non seulement des chapelets et des médailles, mais encore des bibelots qui n’ont aucun rapport avec les objets du culte, tel un porte-cigare d’ambre que l’une d’elles frottait sur la crasse