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LES FOULES DE LOURDES

subi tant de fatigue de chemin de fer et qui ne sont pas guéris ! ils vont rentrer dans les funèbres salles, rejoindre leurs lits, exténués par ces transbordements sur des brancards ou dans des attelages. — Et cependant, je me dis tout bas que ce que nous demandons, ici, à la Vierge, est fou ! Lourdes a pris, en quelque sorte, le contre-pied de la Mystique, car enfin l’on devrait, devant la grotte, réclamer non la guérison de ses maux, mais leur accroissement ; l’on devrait s’y offrir en expiation des péchés du monde, en holocauste !

Lourdes serait donc, si l’on se plaçait à ce point de vue, le centre de la lâcheté humaine venue pour notifier à la Vierge le refus d’admettre « l’adimpleo quæ desunt passionum Christi » de saint Paul ; et l’on pourrait s’étonner alors que la Madone opérât des cures !

Mais d’abord, en dehors même de la vocation spéciale qui n’est pas donnée à tous d’être des victimes réparatrices, beaucoup, une fois à Lourdes, s’omettent et sollicitent la grâce que des gens plus malades qu’eux guérissent à leur place ; beaucoup, nous le savons, proposent de garder leurs souffrances en échange de conversions. Il y a dans le camp de ces grabataires, épurés par la douleur, des abîmes de charité qu’on ignore ; et combien désirent la santé moins pour eux que pour les autres, des mères pour pouvoir élever